Ecoute audiophile sur Internet, est-ce réellement possible ?

Dans la sphère étendue des services qu’offre internet, de nouvelles applications apparaissent chaque jour. Ces innovations sont pour la plupart morte nées ou pour certaines s’épanouissent avec le temps en ayant de beaux jours devant eux. L’audiophile à la recherche de l’expérience dématérialisée se pose donc naturellement la question de savoir où se trouve la frontière de la reproduction en mobilité et c’est à ce titre que tout naturellement j’ai procédé à quelques essais de services émergeants.

Depuis de nombreuses années, l’informatique centralisée existe. A l’ère des vieux systèmes à l’image des IBM et autres Digital pionniers en matière, le regroupement des ressources a eu ses jours de gloire. Loin d’inventer la poudre, mais simplement de porter le concept sur l’architecture ouverte d’internet, le data center d’hier devient le Cloud. Ni plus ni moins qu’un lot de services hébergés en nombre et accessibles de partout, il met à disposition des ressources privées ou publiques avec plus ou mois de sécurité. Ce type de service à du sens dans la mesure où la bande passante à disposition de l’internaute est à la mesure d’une qualité de service attendue. En effet, quel intérêt peut –on trouver à accéder à des ressources centralisées si celles-ci ne sont par moment que mal ou pas accessibles ? La question se pose d’autant plus que lorsque l’on est face à un flux audio ou vocal, la rupture du flux est quasi inacceptable. Nous savons tous que la musique en haute résolution consomme une bande passante importante de plusieurs Mb/s, 1410 environ pour un CD et pour ce qui est des plages au format master, l’escalade est assez rapide et hors de portée du flux montant d’un accès internet ADSL courant.


Pour tenter de réduire les flux d’échange au maximum, au-delà de proposer une offre de diffusion multi-destinations, offre une lecture à partir de notre propre ordinateur familial. Cette solution consiste à dédier (ou non) un ordinateur du domicile branché en permanence sur Internet. Sur cet ordinateur, on dispose d’une copie d’ensemble des plages numérisées ou bien d’un accès vers le réseau local du domicile. Sur ce dernier se trouvent les plages stockées soit sur un autre ordinateur, soit sur un NAS. Un logiciel fournit par l’éditeur, catalogue, énumère et effectue des statistiques d’utilisation en permanence, puis transmet ces informations sous forme d’enregistrements de base de données vers un service central du Cloud qu’il infogère.

instance installée sur le PC

Ainsi, de n’importe quel périphérique connecté sur internet, téléphone, PDA, PC, Mac, Tablette, vous pouvez accéder aux informations de votre bibliothèque personnelle soit à l’aide d’une application spécifique, soit par tout navigateur Web supportant Java.

frontal de sélection de la musique par client Web

Une fois la liste de lecture sélectionnée, l’application hébergée sur le Cloud communique avec votre ordinateur et effectue une diffusion en temps réel de la musique vers la destination de votre choix.

lecteur web en action

Pour diffuser de la musique au format CD depuis votre domicile, inutile de dire que la bande passante  ADSL standard est insuffisante car, d’une part non garantie et d’autre part trop juste pour une utilisation d’autres services utiles en parallèle. Ce type d’engagement n’a du sens que pour les quelques compatriotes déjà câblés en fibre optique et disposant d’un débit montant supérieur au 1Mb/s généralement offert sans grande garantie de débit.

Pour les autres, il existe d’autres solutions. Il est par exemple possible de souscrire à un service complémentaire proposant de stocker vos données audio sur le Cloud. Une bibliothèque d’environ 1000 disque occupe environ 300Go une fois compressée et taguée. Louer 300Go d’espace disque annuels peut coûter cher…notamment avec un débit d’accès garanti à haut débit. Le cas échéant, il faudra simplement accepter les ruptures de son régulières auxquelles l’on risque d’être confronté.

Afin de bien évaluer le niveau de complexité en déplacement, j'ai porté mon attention sur l'application iPhone fournie gratuitement avec le service Audiogalaxy dont nous allons parler plus en détail ci-après. Celle-ci offre une niveau d'ergonomie très semblable au lecteur intégré, avec un accès aux listes de lectures, au classement par artiste :

 

ou par album en n'omettant pas l'affichage des pochettes fort pratique :


Lors de la section d'un album, les plages sont affichés et présentées soit à l'écoute directe, soit à l'ajout à une liste de lecture via l'icone + :


Lors de l'écoute la navigation est aisée et réactive (arrêt/démarrage). La lecture commence quelques secondes après la demande :


Naturellement le service offert à distance se limite pour le moment à transcoder les fichiers sources sous forme de flux compressé à plus ou moins grande vitesse selon les fournisseurs de services. Les fichiers en haute résolution n’étant pas par essence capables de circuler à grande vitesse et d’autre part même pas supportés en lecture par les périphériques portables courants, il faut donc se résoudre à cette dégradation loin d’être audiophile. Pour compenser le fait que la vitesse puisse être un frein, tous les clients développés sur plateformes portables utilisent le mécanisme de la mise en mémoire tampon intensivement, un peu à la manière de celle utilisée pour les vidéos. La lecture démarre uniquement lorsque le tampon local est suffisamment rempli et que la vitesse de remplissage est satisfaisante. Au dessous d’un certain seuil, ce sera « le sablier »… et la frustration qui y est attenante !

Dans le cadre de cet article je me suis donc penché plus précisément sur le service en cours d’émergence Audiogalaxy qui est le seul à proposer d’émettre des flux à partir de fichiers de qualité supérieure. Audiogalaxy propose une flexibilité d’usage et de positionnement des plages sonores intéressante. La version que j’ai testée se fait à travers la mise la mise en place d’un service hébergé sur mon propre réseau local à travers un NAS. La machine est connectée en permanence sur Internet par un accès câblé :


Le service proposé par Audiogalaxy diffère des offres généralistes en ce sens que le format utilisé pour le transfert des données n’est pas un simple streaming MP3 mais s’appuie sur un protocole de diffusion sécurisé sur IP encapsulant un flux Ogg Vorbis (http://xiph.org/vorbis/doc/). De ce fait, le transfert de fichier se fait avec un mécanisme de reprise sur erreur sur les transferts encapsulé et les données sont cryptées par SSL. La consommation en termes de bande passante et de disponibilité pour le contrôle de cohérence est de l’ordre de 1 à 2% et n’incite donc pas à une quelconque retenue sur ce point particulier. De plus la qualité du flux audio transmise est apparemment  meilleure que celle d’un fichier MP3 lorsque la source était à l’origine sans perte, le fichier source est encodé à la volée en Ogg Vorbis sur le serveur puis transmis de manière sécurisée.

relevé des échanges de paquets pendant la lecture
(en abcisse le temps, en ordonnée les paquets par seconde)

La première remarque consiste à noter que toute demande de lecture, qu’elle que soit sa provenance passe par Internet. Que l’on soit sur le même réseau local ou pas, la demande transite par le service central qui gère la transcription au format Ogg Vorbis en temps réel. Du coup, deux flux s’entrecroisent un montant pour pousser le fichier et les informations de base de données vers le Cloud et l’autre descendant pour revenir vers le périphérique portable. Dans cette configuration, le fait d’être sur le même réseau n’est pas exploité, la notion de point à point n’existe pas et il n’y a pas d’optimisation du transport un peu à la manière des réseaux voix sur IP. Du coup, il faut faire très attention à gérer son forfait 3G lorsque celui-ci n’est pas réellement illimité sur les périphériques mobiles et bien noter si la réception est bien par wifi et pas par les ondes !

Le point fort de la solution est que MP3 320, FLAC, AAC, WAV, tout format considéré comme vecteur potentiel de son audiophile est couvert et l’on appréciera le fait que les plages au format FLAC master 24/88.2, 24/96, 24/176.4 et 24/192 sont également correctement lues et transcodées sur les périphériques portables. Audiogalaxy propose une option sur le client du téléphone mobile permettant de choisir entre les qualités de flux bas ou haut débit pour l’encodage Ogg Vorbis à la volée. Quelques mesures montrent que le débit sur le réseau ne varie pas sensiblement, seul le volume de paquets émis varie.

Le fait de ne pas disposer d’autre chose que d’option compressée est au final frustrant et ne permet pas encore d’envisager de distribuer sa bibliothèque à plusieurs pièces ou localisations géographiques avec une qualité identique. L’ouverture au multi-room ou multi-location semble pour le moment compromise par le modèle économique. Du fait que tout un chacun ne peut imaginer installer un accès 100Mb/s synchrone dédié à son usage personnel à chaque endroit qu’il fréquente régulièrement. Il est cependant fort intéressant de noter que cela ouvre sans aucun doute une meilleure visibilité sur la manière dont nous pouvons envisager de gérer nos déplacements, soient pédestres, soit par transport privé ou public. A partir du moment où l’accès 3G fonctionne et que l’on peut transférer un fichier à plus ou moins haute vitesse, on est capable de récupérer un fichier transcodé tamponné en mémoire d’un téléphone et écouter facilement une liste de lecture sans rien avoir de stocké sur le périphérique en question en permanence, sans avoir à synchroniser quoi que ce soit non plus d’une station fixe.

Si l’offre pléthorique d’écoute que proposent Amazon ou Google en test pour le moment semble séduisante dans ce cadre d’utilisation nomade, à l’usage, nous savons tous que nous écoutons fort probablement assez souvent la même chose. Le seul acteur français avançant à tâton, Qobuz, ne propose qu'un service limité de diffusion via site Web et client flash... Même si les annonces prévoient un service de qualité supérieure au 128Kb/s généralement offert, on restera sans aucun doute sur notre faim face à un service pensé avant tout commercial et pas visionnaire pour un sou.
Nous savons d'autre part que nos plages préférées se comptent aisément et qu’au final, trop de choix, tue l’envie et suscite l’indécision. Les services existants actuels de streaming sont suffisant pour l’étape de la découverte surtout revêtue de son aspect artistique, mais pour un audiophile averti, les besoins sont au final tout autre. La recherche de qualité, de plaisir musical prime sur la taille de l’offre. Le label de qualité prend le dessus sur la foultitude de titres, la note technique vient même quelquefois chez quelques uns supplanter la note artistique et sanctionner l’écoute…

En conclusion, à l’aube de l’année 2012, on notera donc que le service n’est pas encore adapté à l’usage purement audiophile et qu’il convient donc de le considérer comme un laboratoire d’essai, comme un premier pas en attendant que la connectivité et la qualité soit au rendez-vous. Seul Audiogalaxy semble comprendre le besoin dans sa globalité au delà des préoccupations purement commerciale et réfléchir à ce que doit être un service facile, adapté et personnalisé. Gageons que d’ici quelques temps, le système de lecture et de streaming intégré portera toute son attention à reproduire la musique avec grande attention et pas seulement de nous la mettre à disposition pour mieux nous la vendre...

Commentaires

  1. Article très intéressant, et qui pose une problématique actuelle.

    De nouvelles offres sortent tous les jours, j'ai en tête celle de Qoobuz et de son streaming en qualité CD. Quid de la qualité du flux, qualité de son lecteur ? Peut etre un futur article pour vous sur ce blog.

    Connaissez vous un outil qui permet d'analyser le flux (et les possibles perte) d'une application dédier ? (j'utilise Spotify premium et je serais curieux de pouvoir analyser cela).

    Merci pour ce blog.

    Cordialement,

    GILLE A.

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  2. Article très intéressant, et qui pose une problématique actuelle.

    De nouvelles offres sortent tous les jours, j'ai en tête celle de Qoobuz et de son streaming en qualité CD. Quid de la qualité du flux, qualité de son lecteur ? Peut etre un futur article pour vous sur ce blog.

    Connaissez vous un outil qui permet d'analyser le flux (et les possibles perte) d'une application dédier ? (j'utilise Spotify premium et je serais curieux de pouvoir analyser cela).

    Merci pour votre blog.

    Cordialement,

    GILLE A.

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  3. Oui tout à fait, il faut que je trouve un créneau de temps pour tester Qobuz à fond. Les premiers retours que j'ai ne sont pas très bon pour le moment, une application qui mange énormément de CPU et qui ne fonctionne qu'en DirectSound ou Audio sans 'Hog' sur Mac. A quoi bon faire du streaming en qualité CD si c'est pour en sortir un flux par le mixeur Windows ou Mac ?

    Pour ce qui est du chapitre de l'analyse, il n'existe pas d'outil à ma connaissance universel. La majorité du temps j'examine les flux IP/RTP à l'aide de WireShark. Lorsque l'application est respectueuse des RFC, il est ce plus possible de récupérer le flux sous forme de fichier WAV et de comparer dans un logiciel de mixage audio quelconque. Pour Apple c'est un peu plus compliqué mais on y arrive aussi.

    Naturellement le futur n'est pas à ces protocoles archaïques mais plus aux protocoles professionnels qui se démocratiseront sous une forme ou une autre. Les produits tels que ceux de digigram sont déjà sur le marché et Ether-Sound/Ether-Audio est fort probablement 'une des solutions' à terme.

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  4. J'ai aussi entendu ces retours sur l'application de Qoobuz... Je m'en vais de suite faire quelques recherches sur WireShark / RFC et Ether-Sound/Ether-Audio afin d'apprendre des choses.

    Merci de votre réponses et le partage de vos connaissances.

    Cordialement,

    GILLES A.

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